Page:Richepin - La Chanson des gueux, 1881.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
86
la chanson des gueux

X

GRAND-PÈRE SANS ENFANTS


Dans un large filet de pur chanvre tressé
Comme l’enfant dormait, doucement balancé
À la branche flexible et sous l’ombre d’un chêne,
Sa mère travaillant à la forêt prochaine,
Un vieux mendiant chauve apparaît tout à coup,
Regarde, et tout joyeux s’approche à pas de loup.
Il baise de l’enfant la figure vermeille ;
Et l’enfant, l’œil mi-clos, croyant rêver, s’éveille.
Et soudain, quand il voit cette bouche sans dents
Qui rit d’un rire énorme avec des trous dedans,
Ce nez gros et camus pourpré du jus des treilles,
Et le double éventail de ces larges oreilles,
Il a peur, il s’écrie, il pleure. Mais le vieux
Avec un air si bon cligne ses petits yeux,
Et dans sa grosse voix met un accent si tendre,
Que l’enfant s’apprivoise et se laisse enfin prendre,
Et doucement frissonne au poitrail inconnu
Qui chatouille du poil son petit pied tout nu.
Avec ses doigts mignons, dans cette toison grise