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la chanson des gueux


VI

LES TERRAINS VAGUES


Quand juillet a roussi l’herbe des terrains vagues,
Ils ont l’air de grands lacs de rouille, dont les vagues
Portent pour immobile écume des gravats.

C’est là pourtant, ô gueux de Paris, que tu vas,
Dans ce lugubre champ qui pour fleur a l’ordure,
Quand tu veux par hasard prendre un bain de verdure.
La campagne est trop loin. L’omnibus est trop cher.
Et toi, le Juif-Errant, toi qui marchais hier,
Qui marcheras demain, qui dois marcher sans trêve,
Tu veux faire aujourd’hui ta promenade brève,
Et tout le long du jour, oubliant ta rancœur,
Au verre du repos t’enivrer à plein cœur.

Dans les jardins publics on n’est pas à son aise :
Trop de monde ! D’ailleurs il faut payer sa chaise
Comme à l’église. Il faut être un richard. Ou bien
Si l’on dort allongé sur un banc, un gardien
Surgit, chasse le rêve à sa voix de rogomme,