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la chanson des gueux


X

UN VIEIL HABIT


à coquelin cadet


Qui a joué ce poème partout et ailleurs.


Ô vieil habit, relique orde de temps anciens,
Quel Nestor des marchands d’habits sait d’où tu viens ?
Quel centenaire nous contera les années
Que tu passas parmi les hardes surannées
D’une arrière-boutique, où de fades parfums
S’entassent dans les plis des vêtements défunts ?
Et quel Homère enfin, dénombreur de batailles,
Dira les abdomens, les dos, les reins, les tailles
Qui luttèrent avec ta laine, et les assauts
Que tu subis, depuis les baisers roux et chauds
Du soleil qui mûrit le drap, jusqu’à l’averse
Aiguisée en aiguille insensible qui perce ?
Qui sait les froids grêlons et les rayons ardents
Dont sur ton cuir tanné s’ébréchèrent les dents ?
Qui sait le nom des vents dont la farouche horde
Pour se suicider s’est pendue à ta corde ?