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la chanson des gueux

Car vous ne supportez ni le froid, ni le chaud,
Ô Belle Jardinière, ô Pont-Neuf, ô Godchau !

Mais toi, sublime habit, toi, malgré tes reprises,
Tes lambeaux reliés par des ficelles grises,
Tes pans déchiquetés en scie, et tes revers
Où des taches sans nom font des ordres divers,
Malgré ton bras qui, pris de spleen, bâille à l’aisselle,
Malgré ta couleur vague aux tons d’eau de vaisselle,
Malgré tout, tu sais vivre encore, et tu tiens bon,
Aïeul de vêtement, tissu chauve et barbon,
Cuit dans des Saharas, gelé dans des Islandes,
Vétéran, éternel honneur des houppelandes !
Cambronne des habits, en face du trépas,
Tu lui diras : Je meurs, mais je ne me rends pas !

Et je t’ai salué, triste mais toujours digne,
Sur le dos incliné d’un pêcheur à la ligne.