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nous autres gueux


Nous avons le chant, la gaîté,
L’esprit qui guérit bien des choses,
Et le grand orgueil indompté
Qui nous fait des apothéoses.

Nous avons deux divins flambeaux
Dont la gloire les tarabuste :
C’est d’être jeunes, d’être beaux !
Nous avons l’air de notre buste.

Ils disent en se rengorgeant :
— « Vous n’êtes pas de ma famille.
« Sans-le-sou, voyez mon argent.
« Tope, vous n’aurez pas ma fille. »

Mais tes filles sont mal en chair ;
Nous n’aimons pas les pommes aigres ;
Et tout l’or du monde, mon cher,
Ne donne pas de gorge aux maigres.

Près de ta fille, épouvantail
Dont le nez pointu nous éborgne,
Nous faisons sous son éventail
Rougir ta femme qui nous lorgne.

Garde tes filles sans appas,
Nous gardons notre épithalame.
Non ! non ! nous ne les aurons pas,
Mon vieux, mais nous avons ta femme.