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la mer

Ô mer, mer, tout cela ne dirait pas encore
Ni ta grandeur, ni la grâce qui la décore,
Ni cette majesté qui nous jette à genoux.
Ni tes bontés sans fin qui fleurissent en nous.
Oh ! que chacun plutôt te chante en son langage
Et t’offre à sa façon ses vœux dont l’humble gage
Témoigne seulement de sa sincérité !
Aucun de tes enfants n’aura démérité,
Quelle que soit sa voix obscure et vagissante,
Pourvu qu’au plus profond de lui-même il te sente,
Et pourvu qu’il le dise, homme, simple animal,
Même plante, mais qu’il le dise, bien ou mal.
Pour moi, mettant ici tout ce que j’ai pu mettre,
Domptant l’âpre science aux souplesses du mètre,
Laissant sonner aussi la lyre en liberté,
L’amour que je te dois, ô mer, je l’ai chanté
Avec toute ma force et ma reconnaissance,
J’ai chanté tes beaux flancs où nous prîmes naissance,
Tes flancs toujours féconds et la gloire de l’eau,
Et, près de pendre sur ton autel ce tableau
En ex-voto pieux prouvant ma foi fervente,
Si mon indignité devant toi m’épouvante,
J’ai pour rendre la paix à mon cœur anxieux
La consolation d’avoir fait de mon mieux
Et d’avoir mis ma lèvre en m’abîmant en elle
Aux seins inépuisés de l’Isis éternelle.