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l’apologie du diable.

Il fait martyriser ses bons catéchumènes
Pour amuser la plèbe et les catins romaines.
Il fait verser du sang, brûler des corps, afin
De pouvoir dire un jour en riant d’un air fin :
« Saint-Pierre, tu seras dans l’Église ma pierre. »
Le voyez-vous d’ici, gai, plissant sa paupière,
Ayant fait massacrer des milliers d’hommes pour
Accoucher à la fin d’un piètre calembour ?
Heureux s’il n’eût commis que de pareilles bourdes !
Mais, plus que son esprit encor, ses mains sont lourdes.
Quand nous dirions de lui pis que pendre en effet,
Nous n’en dirions jamais autant qu’il en a fait.
Je ne suis pas, mon cher, un professeur d’histoire,
Et je ne veux pas prendre un ton déclamatoire
Ni m’emballer en vous contant par le menu
Un tas de crimes dont le cours vous est connu.
Partout où la pensée éclate, où le cœur vibre,
Quand on s’efforce d’être heureux ou d’être libre,
Quand on travaille afin de conquérir un droit,
Quand dans un bénitier l’on se trouve à l’étroit,
Quand on ne veut pas être une bête de somme,
On voit paraître Dieu pour assassiner l’homme.
Oui, persécutions, exils, bagnes, cachots,
Huile en feu, plomb fondu, poix bouillante, fers chauds,
Tenailles arrachant les ongles, lames torses,
Brodequins pour les pieds, chevalets pour les torses,