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Page:Richepin - Les Morts bizarres, 1876.djvu/11

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CONSTANT GUIGNARD

Des hommes vertueux que la haine du crime rendait féroces, furent transportés de joie et crièrent bravo.

La mort de Constant Guignard fut comme son enfance, exemplaire mais malheureuse. Il monta sur l’échafaud sans peur et sans pose, la figure tranquille comme sa conscience, avec une sérénité de martyr que tout le monde prit pour une atonie de brute. Au moment suprême, sachant que le bourreau était pauvre et père de famille, il lui annonça doucement qu’il lui avait légué toute sa fortune, si bien que l’exécuteur ému s’y reprit à trois fois pour couper le cou de son bienfaiteur.

Trois mois plus tard, un ami de Constant Guignard apprit en revenant d’un lointain voyage la triste fin de cet honnête homme dont il connaissait seul les mérites. Pour réparer autant qu’il le pouvait l’injustice du sort, il acheta une concession à perpétuité, commanda une belle tombe en marbre et écrivit une épitaphe pour son ami. Il mourut le lendemain d’un coup de sang. Néanmoins, les frais ayant été payés