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Page:Richepin - Les Morts bizarres, 1876.djvu/224

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LES MORTS BIZARRES

un cri. Elle semblait avoir succombé à un coup de sang. Il replaça l’oreiller sous la tête, ramena les couvertures sous le menton. Le cadavre avait l’air de dormir.

Le lit de la bonne étant assez près de la porte, l’assassin sortit sans bruit. Il enfila le corridor des internes, passa par une poterne de la rue de la Pitié, et se trouva dehors sans avoir été vu.

Il était neuf heures vingt minutes.

Sans perdre de temps, tout à la fièvre de l’exécution, le misérable partit à grands pas pour la rue Saint-Denis. Il entra dans la maison avant dix heures.

En route il avait mûri tout son plan.

Il pénétra d’abord dans l’écurie, où devaient être les affaires du cocher. Il y prit une cravate, en déchira un petit lambeau, et mit ce lambeau dans sa poche. Puis il monta par l’escalier de service, quatre à quatre. C’était au premier et on pouvait enjamber les dix-huit marches sans risquer d’être aperçu.

Il ouvrit la porte, entra sans bruit, arriva dans la chambre à coucher, et d’un coup étrangla la vieille femme qui dormait. Là encore il eut le sang-froid de tenir la gorge serrée pendant un bon quart d’heure.

Il ouvrit ensuite le secrétaire. Dans le grand tiroir du milieu il y avait des actions et des obligations ; dans le tiroir de gauche, des billets de banque ; dans celui de droite des rouleaux de louis. Il fit un tri des titres au porteur et laissa les autres. En tout, titres, or et billets, il y avait cent quarante mille francs, dont il bourra ses poches.