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Page:Richepin - Les Morts bizarres, 1876.djvu/243

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I

Si l’on savait les dangers de la guerre !
(Hervé.)

C’est un drôle de conte de Noël, allez !

Le vieux père Rolland, un marin qui commandait la division, et qui n’avait pas froid aux yeux, nous avait envoyés en reconnaissance le long du Doubs, jusqu’à Plommecy, à douze lieues de Besançon. On avait marché tout le jour, tantôt sur le chemin de halage, où la neige avait un pied de haut, tantôt par des sentiers de traverse, qu’un troupeau de bœufs avait changés en fondrières de boue. Grâce aux détours du fleuve, et malgré les raccourcis, nous avions fait plus de dix lieues depuis quatre heures du matin, quand nous arrivâmes à Plommecy à la nuit tombante. Mornes, harassés, muets, nous traînions la jambe, avec ce balancement lourd et régulier des soldats las, qui de temps en temps donnent un coup d’épaule pour remonter le sac. Seul, un vieux contrebandier, que nous appelions le sapeur à cause de sa grande barbe, avait conservé de l’allure et de l’en-