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Page:Richepin - Les Morts bizarres, 1876.djvu/255

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La modernité, de l’élixir de fièvre !
(Adrien Juvigny).


Ferdinand Octave Bruat se réveilla un matin avec une idée qui lui sembla bonne.

Ferdinand Octave Bruat était ce qu’on appelle vulgairement un homme de lettres. Il avait fait des vers que personne n’avait voulu éditer, des romans que tous les journaux avaient rendus sans les lire, des pièces de théâtre que le directeur des Funambules lui-même avait refusées.

Pourtant il avait, à défaut de talent, une théorie, un idéal. Il se croyait appelé au rôle de chef d’école, et il pensait fermement avoir inventé le genre moderne. Il entendait par là l’expression de tout ce qui constitue la vie de nos jours, si tourmentée, si bizarre, si pratique par certains côtés, si folle par d’autres. Il soutenait qu’il est temps de rompre en visière avec les imitations, tant classiques que romantiques, et qu’il fallait fouiller la société contemporaine pour en extraire des idées, des sensations, des images, des formes, une langue, absolument neuves et originales. Il disait que chaque époque ayant eu son expression propre, la nôtre devait à son tour avoir la sienne.