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Page:Richepin - Les Morts bizarres, 1876.djvu/259

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BONJOUR, MONSIEUR !

gardait rancune de ce que le drame ne faisait aucun effet quand le sonnet en avait fait un si grand.

— Voyons, dit-il aux autres, qu’est-ce que vous me reprochez ?

— Mais rien, rien du tout, répondit le chœur des amis.

— Cependant, mon drame ne vous semble pas bon, je le vois bien.

— Veux-tu que je te dise la vérité ? interrompit quelqu’un que l’insuccès de Bruat rendait brave.

— Dis-la, mon ami, tu sais que j’ai pour principe de chercher la vérité en tout.

— Eh bien ! je pense que la vie moderne est trop touffue pour mettre en drame. Il y a des causalités, des phénomènes de milieu, des complications de sentiment, des descriptions matérielles et spirituelles, des sondages physiologiques et psychologiques qui ne s’accommodent pas de la scène. Tu t’es débattu contre cette difficulté. Tantôt lu l’as tournée, ce qui produit des lacunes ; tantôt tu t’es rué sur elle, ce qui engendre des violences. Malgré tout ton talent, tu n’as pu venir à bout du monstre. Ton intrigue est obscure, tes personnages mal expliqués, ta conclusion peu naturelle. Et cependant, que d’observations ! quels éclairs d’analyse ! quelle force de pénétration ! quelle langue ! Ah ! pour t’en être tiré ainsi, en dépit des obstacles, il faut que tu sois un rude lapin ! Mais que veux-tu faire ? À l’impossible nul n’est tenu. À ta place, je refondrais tout cela, j’allongerais, j’éclaircirais, je développerais, je prendrais toutes mes aises,