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Page:Richepin - Les Morts bizarres, 1876.djvu/27

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LA UHLANE

Pauvre ami ! dans quel état nous le retrouvions. Il avait eu la veille l’avant-bras gauche brisé, et depuis il semblait qu’on l’eût bâtonné, moulu de coups, tant son malheureux corps était bouffi et couvert de cicatrices, de bleus, de sang. La flamme avait commencé aussi son œuvre sur lui, et il avait particulièrement deux énormes brûlures, l’une au bas du dos, sur le gras des reins, l’autre à la cuisse droite. Sa barbe et ses cheveux étaient roussis. Pauvre Piédelot !

Oh ! quelle rage nous empoigna alors ! Comme nous nous serions jetés tête baissée au milieu de cent mille Prussiens ! Comme nous avions soif de vengeance ! Mais les lâches s’étaient enfuis, laissant leur crime derrière eux. Où les trouver maintenant ?

En attendant, la femme du capitaine soignait et pansait de son mieux Piédelot, dont le capitaine serrait fiévreusement la main. Au bout de quelques minutes il revint à lui.

— Bonjour, capitaine, dit-il, bonjour les amis ! Ah ! les coquins ! les gueux ! Dire qu’ils sont venus à vingt pour nous surprendre ?

— Vingt, dis-tu ?

— Oui, toute une bande ! c’est pour cela que j’ai désobéi, mon capitaine, et que j’ai tiré sur eux. Ils vous auraient massacrés tous en arrivant. J’ai mieux aimé les arrêter. Cela leur a fait peur, et ils n’ont pas osé aller plus loin que la Croix-verte. Ils sont si lâches ! Ils m’ont tiré à quatre, comme à la cible à vingt pas ; puis, ils me sont tombés dessus à coups de sabres. J’avais le bras cassé, je ne pouvais me