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DESHOULIÈRES

Malgré ces airs folâtres et sa force de caractère, Deshoulières fut inquiet quand il vit la guillotine.

Non qu’il en eût peur ! Mais il redoutait une fin banale après une vie si excentrique. Il lui déplaisait de penser qu’il allait avoir le cou coupé, comme le premier venu, comme un vulgaire Troppmann. Il s’ingéniait à chercher comment il pourrait être guillotiné d’une façon imprévue.

Sans doute il trouva. Car sa figure, tandis qu’il montait les marches de la veuve, était éclairée par un sourire de joie.

Aussi se laissa-t-il boucler sans résistance sur la planche sinistre.

Mais, au moment où elle bascula, il fit un terrible effort, rompit les liens par sa force herculéenne, et se rejeta en arrière en sorte que sa tête ne fût pas emboîtée jusqu’au cou dans la lunette de la machine,

Le ressort était poussé, on ne pouvait retenir le couteau, et Deshoulières eut le crâne décalotté comme un œuf à la coque.

Il avait trouvé l’imprévu de la guillotine.

Il s’était fait couper la tôle aux enfants d’Édouard.