reuses et que les oiseaux devaient être bien contents. Il se dit que l’existence du petit Pierre était charmante, malgré les gronderies du père Berlot. On lui tirait quelquefois l’oreille, c’est vrai ; mais il mangeait, il buvait, il dormait, il allait se promener dans l’herbe et sous les bois, sans crainte, sans regarder derrière lui pour voir s’il était poursuivi par un tricorne. Et le père Berlot ? Il était riche ; il avait sa maison à lui, son jardin à lui, ses poules, ses cochons, ses poires. Quel homme heureux !
Pourquoi lui, Pierre Lurier, n’avait-il pas aussi sa part de bonheur ? Ah ! Pourquoi ? il n’avait qu’à rester ici, aux champs, comme son père. Mais était-ce bien sa faute s’il était parti ? Un mauvais garnement lui avait dit qu’on fait fortune à la ville. Il aurait pu en effet la gagner, cette fortune ! Peut-être ! qui sait ? Il avait eu de bonnes occasions. Un patron l’avait pris en affection dès son arrivée. Mais un autre mauvais garnement était là, prêchant la paresse et le plaisir. Un an, deux ans, plusieurs années, le temps précieux de la jeunesse s’était écoulé misérablement à ne rien faire, à vivre au jour le jour. Puis, un matin, de guerre lasse, pris de remords, voulant enfin travailler et ne sachant pas, on s’était fait de nouveau domestique. Là encore on pouvait gagner sa vie. Mais on était aigri, plein de désirs et de regrets. On avait gardé de mauvaises connaissances, une maîtresse qui était une gueuse, un ami qui était un filou. On avait écouté l’ami pour satisfaire aux exigences de la maîtresse. Et, en fin de compte, on s’était réveillé un