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Page:Richepin - Les Morts bizarres, 1876.djvu/99

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UNE HISTOIRE DE L’AUTRE MONDE

— Laissez-moi tranquille ! Quels bavards ! Vos renseignements ne me renseignent pas du tout. Que ce soit à midi, quatre heures, ou dix heures, que Jeanne ait disparu, elle n’en est pas plus facile à retrouver, n’est-ce pas ? Ah ! vous payerez cher, allez !…

— Mais ce n’est pas notre faute !

— Si, c’est votre faute ! Vous n’aviez qu’à l’accompagner.

— Mais vous savez bien, monsieur l’adjudant, que l’on ne peut pas sortir le soir sans permis.

— C’est bon !… À propos de permis, vous n’avez toujours pas le vôtre ? C’est bien ! Je vais faire mon rapport aujourd’hui même à la place, et demain matin vous irez voir à l’île si le bois des lits de camp est mangé aux punaises. Allez ! c’est votre dernier jour de travail en plein air, aujourd’hui. Jouissez de votre reste !

Et il ajouta à l’oreille d’un sergent :

— Surveillez-moi ces deux gaillards-là toute la journée. Je les laisse libres exprès jusqu’à ce soir. J’espère bien qu’ils feront quelque sottise. À la première résistance, à la moindre tentative de fuite, vous me comprenez, hein ! V’lan ! un chicot de plomb dans la tronche…

L’occasion d’accomplir cet ordre se serait certainement présentée, si Jean avait été seul.

— Ah ! disait-il entre ses dents à Marius, j’ai envie de souffleter ce sergent pour qu’il me fasse sauter la tête.

— Veux-tu bien te taire, répondit Marius. Jeanne