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MES PARADIS

Ce n’est pas de Bercy qu’il me vient, ni de Cette.
Celui qui le fabrique a la bonne recette.
À Gevrey-Ghambejtin, sans nul autre élément,
Il le fait avec du raisin, tout bêtement.
Son père fournissait le mien. Je continue
À priser mieux ce vin que ceux faits en cornue.
Il fleure le terroir, la grappe et le soleil.
Pour l’huile je me sers d’un procédé pareil.
Je connais, non loin d’Aix, un homme qui salive
Quand on lui dit du bien de son huile d’olive.
En février, je lui commande un estagnon.
Et de mon Provençal et de mon Bourguignon
Mes enfants après moi sauront user, j’espère,
Comme ont fait sagement leur père et leur grand-père.
À table, encore un coup, à table, les amis !
Tout ce qui devant vous sur elle sera mis
Doit être, autant que vous, bon, loyal et sincère.
Est-on dix, y compris la famille, on se serre !
Mais pas trop cependant et sans être à l’étroit.
Il faut qu’on ait de l’air aux coudes, et le droit
De faire en bavardant, si l’on veut, de grands gestes.
Grignotés de profil, les mets sont indigestes ;
Et l’assaisonnement le plus vif aux mangers
C’est le poivre et le sel des propos échangés.
La conversation va, vient, balle élastique.
On parle un peu de tout, jamais de politique ;