Page:Richet - Traité de métapsychique.djvu/32

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et monstrueuse figure d’un corps étrange et horrible lequel s’alla présenter devant luy sans dire mot : si eut bien l’assurance de lui demander qui il estoit, et s’il estoit dieu ou homme, et quelle occasion le menoit là. Le fantosme luy répondit : « Je suis ton mauvais ange, Brutus, et tu me verras près la ville de Philippes ». Brutus, sans autrement se troubler, lui réplique : « Et bien, je t’y verrai donc ». Le fantosme incontinent se disparut, et Brutus appella ses domestiques, qui luy dirent n’avoir ouy voix, ni veu vision quelconque. »

Les voix et les visions de Jeanne d’Arc rentrent sans doute aussi dans les phénomènes métapsychiques[1]. Ses voix et ses visions n’étaient perçues que d’elle seule, de sorte qu’il faut admettre qu’elles étaient subjectives. Il est trop facile de supposer que c’étaient des hallucinations simples, car ces hallucinations ont été suivies par trop de faits réels, et par des prédictions trop souvent vérifiées pour admettre le délire d’une aliénée. On ne peut guère douter que Jeanne d’Arc ait été inspirée.

Tout de même, comme pour le fantôme vu par Brutus, comme pour les apparitions de Lourdes, comme pour les miracles d’Apollonius de Tyane et de Simon le Magicien, une appréciation scientifique de ces vieux témoignages est impossible, et il vaut mieux admettre comme probable, sans prétendre à une démonstration quelconque, que Jeanne d’Arc avait certains pouvoirs métapsychiques. Telle est à peu près l’opinion de Fr. Myers.

11 y aurait quelque profit à étudier les hagiographies, car souvent des saints et des saintes ont eu manifestement de très réels phénomènes métapsychiques.

L’auréole entourant la tète, la bilocation, l’odeur de sainteté, l’incombustibilité, la lévitation, le parler en langues étrangères, la prophétisation, se retrouvent dans les vies de beaucoup de saints : saint François d’Assise, sainte Thérèse, sainte Hélène, saint Alphonse de Ligori, saint Joseph de Copertino (1603-1663).

Je laisse volontairement de côté l’histoire des stigmates, et en général de tous les phénomènes organiques observés sur les saints ; car cette influence de l’esprit, — c’est-à-dire du système nerveux

  1. Voy. de Vesme, Storia dello spiritismo (II, 290).