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328 CRYPTESTHÉSIE ACCIDENTELLE

Eliza W..., Charlotte et le D r G... qui avait donné des soins à la mourante, entendirent pendant quelques secondes des voix de femmes, trois voix, une musique extrêmement douce, comme une harpe éolienne. Même Eliza W..., crut entendre des paroles : « The strife is over, the battle donc ». Deux personnes qui étaient sorties de la chambre y rentrèrent pour entendre cette musique. La nuit était parfaitement calme; il n'y avait personne dehors.

Et cependant les phénomènes ont été certainement subjectifs, d'abord parce que M. L... qui était présent, n'a rien entendu, et ensuite parce que les différentes personnes qui ont entendu ces chants, se les sont représentés chacun d'une manière différente 1 .

C'est donc là un cas extrêmement intéressant, puisqu'il établit qu'il peut y avoir des hallucinations qui, quoique collectives, gardent cependant un très évident caractère de subjectivité.

Nous n'avons pas séparé les monitions reçues pendant le som- meil, et celles qui ont été reçues à l'état de veille. En effet, il y a une série d'états intermédiaires (borderland) entre la veille et le sommeil, des transitions nuancées, qui ne permettent guère de classer résolument toutes les monitions dans l'un ou l'autre groupe. Bien souvent elles commencent dans le sommeil, et s'achèvent pen- dant la veille ; quelquefois, mais plus rarement, c'est l'inverse. Par- fois le percipient est pris d'une sorte d'effarement et de stupeur qui se rapprochent singulièrement du sommeil.

Même lorsque le percipient reste éveillé, la vision prend nette- ment le caractère d'un rêve. Alors c'est le même état de crédulité, suivant l'heureuse expression d'A. de Rochas : l'absence d'étonne- ment, l'acceptation des choses les plus imprévues. En effet, il n'y a guère qu'une seule différence entre l'état mental d'un individu qui rêve, et celui d'un individu qui veille; c'est que l'individu endormi ne peut pas arrêter son attention sur les objets réels qui l'entourent. Il est transporté dans un monde imaginaire, et il ne corrige pas, par des sensations précises, les divagations de sa pen- sée. C'est cette absence de correction qui constitue essentiellement l'état de rêve. On ne sait plus où on est. On n'est pas rappelé à la réalité concrète par les énergies mécaniques et physiques du monde

1. Phant. of the Living, I, 446.

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