Page:Richet - Traité de métapsychique.djvu/68

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doute aussi alors des comparaisons, des associations, des jugements se forment, phénomènes intellectuels auxquels notre moi conscient ne prend aucune part.

On ne saurait attacher trop d’importance à ces phénomènes de l’inconscience. Or, comme il est nécessaire d’éliminer de la métapsychique tout ce qui peut être expliqué par la psychologie normale, et que le travail inconscient de l’esprit relève de la psychologie normale, nous devons constamment nous dire ceci, qui sera une loi absolue : L’inconscient est capable de tout ce que peut faire le conscient.

Nos sens nous donnent une certaine notion des choses, et nous ne connaissons des choses que ce qui nous a été apporté par les sens. (Nihil est in intellectu quod non prius fuerit in sensu). Mais les arrangements de ces données sensorielles peuvent apporter à nos idées une complexité extraordinaire. C’est ainsi que l’inconscient peut fabriquer des poésies, des discours, des drames, des mathématiques, c’est-à-dire tout ce que peut fabriquer l’intelligence humaine, consciente. Pourtant cette inouïe richesse n’est qu’une richesse documentaire ; l’intelligence, consciente ou inconsciente, si nous ne lui supposons pas quelque faculté nouvelle de connaissance, ne pourra jamais fournir plus que ce qui lui a été donné. Elle ne pourra travailler que sur des matériaux à elle apportés par les voies sensorielles normales.

De même, suivant une comparaison célèbre, un moulin à café est excellent pour moudre ; mais il ne pourra jamais fournir autre chose que ce qu’on lui a donné à moudre.

Supposons qu’Hélène Smith n’ait jamais entendu un mot de sanscrit, qu’on ne lui ait jamais parlé cette langue, qu’elle n’ait lu et pu lire aucun livre de sanscrit. Alors, s’il lui arrive de converser ou d’écrire en sanscrit, autrement dit de réinventer cette langue, je déclarerai le fait miraculeux, et j’y verrai un phénomène métapsychique ; car nulle intelligence humaine n’est capable de ce prodige.

Mais, avant d’en arriver à cette extrémité, je ferai toutes suppositions que me suggérera ma répugnance à admettre le supranormal. Il faudra d’abord qu’Hélène m’établisse qu’elle n’a jamais ouvert un livre de sanscrit, et la preuve n’est pas facile à donner. Car, même si elle est de bonne foi, elle a pu oublier qu’un jour,