Page:Rignano, La question de l’héritage, 1905.djvu/67

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lant au travail et à l’épargne, de dépasser cette limite et de permettre qu’une fortune puisse être transmise jusqu’aux générations les plus reculées.

Ainsi le stimulant au travail et à l’épargne ne serait aucunement affaibli par les prélèvements progressifs dans le temps ; il serait, au contraire, remarquablement aiguisé par la faculté laissée au testateur de disposer plus complètement des biens accumulés directement par lui que de ceux acquis par héritage[1].

L’expérience quotidienne nous apprend, en effet, que les possesseurs de grandes fortunes, pouvant laisser à leurs enfants les patrimoines qu’ils ont eux-mêmes reçus en héritage, ne sont aujourd’hui aucunement stimulés à les augmenter encore. D’ordinaire, ils dépensent et dissipent gaiement dans le luxe le plus effréné et les jouissances les plus raffinées, dans le jeu ou la débauche, leurs considérables revenus. C’est

  1. On peut arriver à ce but sans cependant recourir aux deux extrêmes, comme le fait Huet dans sa progression 0/1, 1/1, où l’héritage est entièrement respecté au premier transfert et entièrement annulé au second. Une telle progression et toutes celles qui, sans atteindre à des chiffres aussi absolus, tendraient cependant à exagérer dans ce sens, devraient être également rejetées. En faisant à l’État une part minime sur l’avoir des accumulateurs mêmes, on accorde en réalité à l’accumulateur un pouvoir testamentaire excessif. Une moindre liberté de tester pourrait suffire à provoquer l’accumulation ; une moindre somme de privilèges pour l’héritier pourrait donc être compatible avec le maximum d’utilité sociale. Le processus de nationalisation serait, dans les progressions modelées sur celle d’Huet, trop retardé à la première génération, puis trop accéléré à la seconde.