Page:Rignano, La question de l’héritage, 1905.djvu/18

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des prolétaires, aient réussi à la modérer ou à l’empêcher.

Et que dire de cette incertitude du lendemain où l’ouvrier est condamné à vivre ? Chaque fermeture d’usine, chaque suspension de travaux, en somme, est pour l’ouvrier expulsé une condamnation à la mort d’inanition ou à d’indicibles tourments. Ne recevant, quand on l’emploie, que le strict nécessaire et, par conséquent, presque toujours absolument dépourvu d’économies, il se trouve désarmé, quand vient à cesser la demande de travail, enlace du terrible problème des subsistances.

Or rien n’est fréquent, dans notre société,  comme ces interruptions du travail de l’ouvrier.

La production contemporaine, en effet, est caractérisée par deux phénomènes. En premier lieu, elle est capitalistique, c’est-à-dire que les instruments de production y sont, économiquement, séparés du travailleur, et que celui-ci est contraint d’accepter une rétribution minime, disproportionnée à la valeur réelle de son travail. En même temps, elle est mercantile, c’est-à-dire que les marchandises qu’elle crée sont destinées aux échanges sous le régime de la libre concurrence.

C’est le caractère mercantile de la production qui se répercute dans les fermetures momentanées d’usines, les cessations d’entreprises isolées ou — manifestation bien plus grave — dans les crises économiques générales.