Page:Rignano, La question de l’héritage, 1905.djvu/20

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efficacement à l’œuvre de destruction. Conséquence directe de la séparation économique du travailleur d’avec son instrument de production, cette inélasticité est un trait essentiel des entreprises capitalistiques actuelles. Elles sont, en effet, aussi incompressibles que des objets en verre : incompressible le salaire des travailleurs, déjà réduit, ou presque, à son minimum ; incompressible aussi le profit, malgré la possibilité théorique d’une compression indéfinie, car la séparation économique du capital d’avec le travailleur lui permet de ricocher au besoin vers des entreprises plus lucratives rapportant un taux normal ou supérieur au normal. On ne saurait donc réduire que les gains de l’entrepreneur non capitaliste : c’est trop peu. Aussi cette absence totale ou quasi totale d’élasticité de compression amène-t-elle des fermetures d’usines, des cessations d’exercice, des faillites ou, pis encore, des crises économiques générales, dès que la concurrence entre établissements producteurs diminue les profits de quelqu’un d’entre eux.

3° Enfin une troisième cause de perturbations économiques, due au capital improductif, vient s’ajouter à celle énoncée ci-dessus et la rendre encore plus néfaste. La spéculation est la dernière conséquence du système économique actuel, et c’en est aussi la plus funeste. D’une part, en effet, les détenteurs d’immenses capitaux peuvent risquer impunément de fortes sommes ; d’autre part, leur énorme richesse leur fait dédaigner les gains modestes de la