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Page:Rilke - Histoires du Bon Dieu.pdf/165

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rence, tendit vite son aumône au vieillard, comme si personne ne devait s’en apercevoir, s’inclina derechef, et disparut. Mais ces deux petites révérences étaient au moins dignes d’un empereur. Ceci parut irriter tout particulièrement M. l’Instituteur. Il voulut se diriger vers le mendiant, probablement pour le chasser ; car, on le sait, il appartient au comité de l’œuvre des pauvres et il est un adversaire résolu de la mendicité. Je le retins.

— Mais ces gens-là sont secourus, oui, on peut même dire, pourvus de tout le nécessaire, s’emporta-t-il. S’ils s’obstinent à mendier en pleine rue, c’est tout simplement… de l’insolence.

— Cher monsieur, tentai-je de l’apaiser, mais il continuait à m’entraîner vers la lisière du bois. Monsieur l’Instituteur, insistai-je, il faut que je vous raconte une histoire.

— Est-ce si pressé ? demanda-t-il d’un air venimeux.

Je pris sa question à la lettre.

— Oui, très urgent, répliquai-je. Avant que vous ayez oublié ce que nous venons de voir, tout fortuitement.