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Page:Rilke - Histoires du Bon Dieu.pdf/93

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Une heure plus tard, une troupe de paysans armés quitta le village dans la direction de Tchernigof. Pierre avait offert au Kobzar un verre de moût, dans l’espoir d’en apprendre plus long. Le vieillard mangea, but, mais ne répondit que brièvement aux nombreuses questions du cordonnier. Puis il remercia et s’en fut. Aliocha fit franchir le seuil à l’aveugle. Lorsqu’ils furent dehors dans la nuit, et seuls, Aliocha interrogea :

— Et tous peuvent-ils partir en guerre ?

— Tous, dit le vieillard, qui disparut en allongeant le pas, comme si dans la nuit il avait recouvré la vue.

Lorsque tous furent endormis, Aliocha se leva du poêle sur lequel il s’était couché tout vêtu, prit son fusil et sortit. Dehors il se sentit tout à coup étreindre et doucement baiser sur les cheveux. Aussitôt il reconnut au clair de lune Akoulina qui, à petits pas pressés, courait vers la maison.

— Mère, s’étonna-t-il, et un sentiment étrange l’envahit.

Il hésita un instant. Une porte quelque part tourna dans ses gonds et un chien