Page:Rimbaud - Les Illuminations, 1886.djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
21

II

C’est elle, la petite morte, derrière les rosiers. — La jeune maman trépassée descend le perron. — La calèche du cousin crie sur le sable. — Le petit frère — (il est aux Indes !) là, devant le couchant, sur le pré d’œillets, — les vieux qu’on a enterrés tout droits dans le rempart aux giroflées.

L’essaim des feuilles d’or entoure la maison du général. Ils sont dans le midi. — On suit la route rouge pour arriver à l’auberge vide. Le château est à vendre ; les persiennes sont détachées. — Le curé aura emporté la clef de l’église. — Autour du parc, les loges des gardes sont inhabitées. Les palissades sont si hautes qu’on ne voit que les cimes bruissantes. D’ailleurs il n’y a rien à voir là dedans.

Les prés remontent aux hameaux sans coqs, sans enclumes. L’écluse est levée. Ô les calvaires et les moulins du désert, les îles et les meules !

Des fleurs magiques bourdonnaient. Les talus le berçaient. Des bêtes d’une élégance fabuleuse circulaient. Les nuées s’amassaient sur la haute mer faite d’une éternité de chaudes larmes.