Page:Rimbaud - Reliquaire, poésies, Genonceaux, 1891.djvu/68

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— Puisqu’ils ne mangent pas, Sire, ce sont des gueux
Je suis un forgeron ; ma femme est avec eux,
Folle ! Elle croit trouver du pain aux Tuileries !
— On ne veut pas de nous dans les boulangeries.
J’ai trois petits. Je suis crapule. — Je connais
Des vieilles qui s’en vont pleurant sous leurs bonnets
Parce qu’on leur a pris leur garçon ou leur fille :
C’est la crapule. — Un homme était à la Bastille,
Un autre était forçat et, tous deux, citoyens
Honnêtes. Libérés, ils sont comme des chiens :
On les insulte ! Alors, ils ont là quelque chose
Qui leur fait mal, allez ! C’est terrible, et c’est cause
Que se sentant brisés, que, se sentant damnés,
Ils sont là, maintenant, hurlant sous votre nez !
Crapule. — Là dedans sont des filles, infâmes
Parce que, — vous saviez que c’est faible, les femmes, —
Messeigneurs de la cour, — que ça veut toujours bien, —
Vous avez craché sur l’âme, comme rien !
Vos belles, aujourd’hui, sont là. C’est la crapule.
....................

« Oh ! tous les malheureux, tous ceux dont le dos brûle
Sous le soleil féroce, et qui vont, et qui vont,
Qui dans ce travail là sentent crever leur front
Chapeau bas, mes bourgeois ! Oh ceux-là sont les Hommes
Nous sommes Ouvriers, Sire ! Ouvriers ! Nous sommes
Pour les grands temps nouveaux où l’on voudra savoir,