Aller au contenu

Page:Ringuet - L’héritage, 1946.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

122
le sacrilège

rieur. Ils avaient « épousé » une maorie langoureuse et câline. Et presque rien ne les distinguait plus des canaques dont ils avaient adopté les coutumes, la paresse et, somme toute, le facile bonheur.

« Ce qu’il fait à Vavaou… ?» la réponse était simple. Il vivait.

Après un long moment, Toupaha reprit :

— Il y en a qui le disent venu des Antilles, d’autres du Brésil, d’autres de plus loin, à l’est, qui sait, de l’Europe, ou d’ailleurs… Il n’est pas de France. Il a vécu des années à Taoutira, vous savez, à l’autre bout de Tahiti.

« On a raconté de vagues histoires sur son compte ; il a même été appelé chez le Commissaire, une ou deux fois. Puis on l’a laissé tranquille. C’était apparemment des histoires vieilles, vieilles ; trop vieilles. On ne sait plus. Puis il est venu à Vavaou, ça fait des années. »

Il se tut et la paix s’épanouit de nouveau sur eux. Il n’y eut que le bruit rythmé des longues vagues venant du lointain sans bornes se briser sur le récif, en flammes bleutées qui tachaient le noir.

Toupaha jeta sa cigarette dans l’eau où elle tomba comme une étoile filante pour s’éteindre dans un bref grésillement. Il se leva, fit quelques pas vers son navire, vérifia que le matelot de garde était à son poste, confortablement installé pour dormir, puis revint.

— On y va ?… Il a un cognac excellent. Et sa vahiné est bien belle. Vous verrez. C’est une arii, une princesse, la propre nièce de Tériimaruéva, dernière reine de Vavaou. Allons-y.

Ils partirent tous deux dans la nuit si noire qu’elle semblait sourdre de la masse volcanique du Taimanou, que l’on devinait à ce que, au nord, tout un pan du