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l’armoire familiale ; la mince enveloppe de paye ramassée dans le dos d’un compagnon d’atelier. Et, pour dix d’entre eux sur cent, tout cela décuplé, centuplé ; le nouveau-né monstrueux qu’on a laissé mourir ; la petite fille brutalisée dont les yeux d’épouvante surgissent encore parfois dans le miroir du passé ; le testament brûlé près du cadavre encore chaud du père. Toutes les autres choses. Les imaginables et les inimaginables.

Même les simples malheureux, lentes victimes de destins sans aléas, savez-vous leur sort moindre que celui des créatures de roman ? et moins dignes d’être récités ?

Bien peu d’entre eux ont les épaules rompues, le front gravé, les pas crochus, les mains croûtées, le regard lourd de haine, de remords ou de fatigue.

Je raconte ici l’histoire d’un homme qui, comme tant d’autres, porta longuement le poids du jour et la chaleur.

RINGUET
Bien qu’ayant situé l’action de son livre en des lieux réels, l’auteur a pris avec la topographie et l’histoire toutes libertés qu’il a cru utiles ou commodes. Quant aux personnages, ils sont entièrement imaginaires. Leurs caractères physiques et moraux sont sans rapport aucun avec des individus actuels ou passés