Page:Rinn - Un mystérieux enlèvement, 1910.djvu/200

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Un éclectisme, la prudence eut plus de part que l’impartialité, présida à la constitution du Tribunal. On le voit par une lettre que, le 30 prairial, un des juges[1] adressait au Sénateur : « Avant que vous vous soyez intéressé à moi, Monsieur, j’avais peu l’honneur de vous connaître, et je vous ai une double obligation pour cette circonstance. Je me rappellerai toujours avec reconnaissance l’intérêt que vous m’avez témoigné et que vous avez mis à ma nomination. Si les occupations auxquelles je me trouve livré ne sont pas gaies, je m’en trouve dédommagé par l’agrément que j’éprouve avec mes collègues, notamment M. Calmelet, que j’avais déjà l’avantage de connaître. Les militaires qu’on nous a adjoints sont également très estimables, gens de bonne éducation, droits, et dans les principes du gouvernement. On ne pouvait faire un meilleur choix. »

Les principes du gouvernement, à cette date, sont connus. S’inspirant d’une pensée de vengeance, plutôt que de justice, contre une faction prête à employer tous les moyens, même les plus criminels, le Ministre de la Police avait invité le Tribunal à rester sourd à toute clémence, à être impitoyable dans l’application des peines. L’audace des rebelles, la série ininterrompue de leurs méfaits, leur entente avec l’étranger ne permettaient pas l’indulgence. Il fallait un exemple, et, n’avait-il pas cessé de répéter, il le fallait terrible. Les dispositions du Premier Consul étaient connues ; son désaveu n’était pas à redouter. N’avait-il pas dit tout récemment : « Il faut avoir l’œil

  1. Le citoyen Taschereau. Correspondance privée de Clément de Ris.