Page:Riotor - Le Mannequin, 1900.djvu/14

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l’exacte adaptation des costumes ! — quel singulier thème à dissertation historique ! — Que pouvait-on bien tirer d’un tel sujet ? Cela me rendait rêveur. Ces bustes de magasins, ces sommaires icones porte-manteaux, ces simulacres d’hommes et de femmes pouvaient-ils avoir une histoire intéressante ? Au premier abord, je ne le pensais point.

J’accueillis donc l’auteur de cet opuscule avec un scepticisme teinté de mauvaise humeur et je fus loin de l’encourager à poursuivre son étrange étude ; de plus, quand M. Riotor insista pour obtenir une préface, sa manie me parut hostile et je ne m’appliquai — pourquoi le nier, — qu’à me dérober à ses prières réitérées.

Ce ne fut, à vrai dire, qu’après le départ du monographe du Mannequin que je songeai, comme par un paradoxe intellectuel, à cette histoire singulière de la forme humaine imagée pour d’innombrables besoins du commerce, de l’industrie, de l’art, de la guerre et que j’entrevis l’interminable défilé des mannequins à travers les âges, depuis le cheval de Troie jusqu’aux grossières figures qui servent d’épouvantails aux oiseaux. Le Mannequin dans l’ancienne Égypte, puis à Rome, au moyen âge et aux heures de la Renaissance… Combien de formes et d’expressions ne revêtait-il point ? Puis, plus tard, avec Vaucanson, nous voyons le mannequin singer le mouvement et parodier la vie autant que l’art mécanique peut parodier la divine création.

Ah ! certes, pensais-je, l’histoire du Mannequin est curieuse à entreprendre, elle est parallèle à celle de l’humanité dont elle donne la naïve grimace et l’inconsciente caricature plastique. Tous les peuples primitifs, on pourrait l’affirmer, ont connu ou connaissent encore le mannequin, symbole du paganisme ou de la puissance royale, on le trouve aussi bien chez les nègres superstitieux que dans la Byzance décadente, chez les Indous, les Chinois et les Japonais qui sont passé maîtres dans le mannequinage de leurs dieux, de leurs idoles et de leurs guerriers.