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CHEZ NOUS

Mais sitôt que vient l’automne, et qu’il commence à gelauder, le poêle se réveille. Et tout l’hiver, sa respiration s’échappe du toit, érigée en spirale dans l’air tranquille, ou fuyante et déchirée par la rafale. Tout l’hiver, il chante, ronfle, ou murmure ; dans les nuits calmes, quand les marionnettes dansent au ciel pur, la voix du poêle se fait régulière, monotone, rassurante ; mais, si le nord-est court la campagne, tourmente les arbres nus, et hurle, le poêle gronde, furieux. Il défend le logis contre le froid qui pince ; sa chaleur se répand, bienfaisante, sous les poutres noires, et jusque dans la grand’chambre, où l’on ne va qu’aux jours de fête et aux jours de deuil. Il fond la neige maligne que la poudrerie souffle sous la porte mal fermée, réchauffe les petits pieds rougis, fait fumer la bonne soupe.

C’est l’âme de la maison. S’il éteignait ses feux, s’il ne mettait plus au toit son pa-

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