Page:Rivard - Chez nous, 1914.djvu/98

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

UN POÈTE ILLETTRÉ

un harcèlement… Il faut qu’il rime ! On lui conseille de dompter cette passion, on lui assure qu’il n’est pas poète, on le gronde comme un enfant ; rien n’y fait. « C’est plus fort que moi », dit-il.

Il rime donc, tant bien que mal, et tant bien que mal cultive sa terre, vend les produits de sa ferme. Je l’ai vu arrêter devant ma porte sa charrette pleine de denrées, laisser là les chalands, entrer en hâte chez moi, saisir un crayon, et sur un chiffon de papier ou dans son livre de compte, griffonner quelque chose ; c’était des vers. « Quand les rimes me poursuivent et me bourdonnent aux oreilles comme des mouches, me disait-il, je ne puis plus mesurer ma saucisse, ni compter mes navets ; il faut que je me débarrasse d’une couple de vers. C’est fait. Maintenant, je suis tranquille. Bonjour, Monsieur, et merci. Je m’en vais, car il y a là quelqu’un qui veut acheter une tresse

111