Page:Rivard - Chez nous, 1919.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
202
chez nous

— Mon vieux, reprit-elle, c’était plaisant, de penser qu’un jour on pourrait vivre de nos rentes ; mais, à présent qu’il en est question pour vrai, il y a quelque chose qui me dit que ça ne serait peut-être pas aussi beau qu’on se l’imaginait. Veux-tu que je te dise ? Eh ! bien, j’ai peur qu’on le regrette.

— Peur qu’on le regrette !… Tu veux rire, vieille. Regarde un peu la vie qu’on mène, tous les deux, depuis quarante ans : on se lève avec la barre du jour, et jusqu’à la nuit noire on sue d’ahan sur l’ouvrage. À force de remuer la terre et de porter des fardeaux, nous voilà courbés et lourds ; mes mains sont calleuses, les tiennes toutes gercées. Quarante années passées à trimer dur du Jour de l’An à la Saint-Sylvestre, ça doit être assez ; on a gagné de se reposer. Et puis, penses-y, on sera à deux pas de