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Page:Rivard - Legendre, 1910.djvu/3

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SOCIÉTÉ ROYALE DU CANADA

talent fin et délié, et sûr aussi, et discret surtout. Il n’eut pas la puissance d’imagination, ni la richesse d’invention des virtuoses ; de pareils dons lui eussent fait craindre d’écrire des « broderies de pure fantaisie, » et c’est ce dont il a soin de se défendre[1]. Sa plume n’écrivait rien qu’il ne pensât ou ne ressentît, ne décrivait rien qu’il n’eût vu. Il avait, ardent et intime comme une passion, le désir de dire vrai, le souci d’être cru. De crainte qu’on ne doute, voyez-le qui insiste, qui donne sa parole : « Vous ne connaissez pas nos paysans ? Moi, qui les connais et qui ai passé toute ma jeunesse au milieu d’eux, je vous dis que c’est comme cela[2]. » Et, en effet, c’est comme il dit. Rien de plus vu que ses tableaux, de plus vécu que ses scènes, de plus vrai que ses caractères.

Lisez, dans les Échos de Québec[3], la description de la vieille demeure du paysan, de la maison « dont un architecte rougirait, mais qui nous fait plaisir à voir » ; et du chemin, « un véritable chemin, sans pavés, et avec des ornières » ; des arbres, « aux troncs desquels la nature a travaillé toute seule » ; des granges, du jardin, du ruisseau… Vous avez vu cela ! Il n’est pas jusqu’aux flaques d’eau que vous ne reconnaissiez ! Je suis sûr que, derrière la maison, chez vous, il y en avait une, comme à Nicolet, chez Félix Legendre, et qu’il vous est arrivé d’y jouer en plus habit du dimanche ; « il y avait défense, donc le fouet »… avec une tige de blé, comme chez Félix Legendre, et comme chez Mistral ! Car pareille mésaventure, avec mêmes conséquences, advint aussi au petit gars provençal qui devait écrire Mireille ; mais les jolies pages écrites là-dessus par Mistral[4] sont moins vraies, pour nous, que le court récit de Legendre[5].

Lisez encore : Chez le pauvre en hiver… N’avez-vous pas vu cette mansarde :

L’humble logis n’a qu’une pièce
Et les murs sales, dégarnis.
Offrent au regard la tristesse
Et le désordre des vieux nids…[6]


Lisez la Noce au Village[7], l’Encan[8], À travers les rues[9], Orphelin[10], etc. On peut décrire avec plus d’art, appuyer davantage, donner des

  1. E. de Q., I, p. 31.
  2. E. de Q., I, p. 7
  3. pp. 66 et suiv.
  4. Mémoires et récits
  5. E. de Q., II, p. 61
  6. Les Perce-Neige, p. 89
  7. Mélanges, p. 211
  8. E. de Q., II, p. 70
  9. Ibid., I, p. 9.
  10. Mélanges, p. 129