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MORCEAUX CHOISIS

le signe, le criterium d’une histoire modèle : car dans une bataille, un désastre, une catastrophe, que peu périssent, c’est mesquin ; que tous périssent, c’est nuit close. Mais que du beau milieu d’une immense déconfiture, un, un seul en réchappe, et tout justement pour porter la nouvelle, c’est l’exquis du genre et la joie de l’amateur. Et c’est pourquoi l’histoire, tant la grecque que la romaine et la moderne, est riche en traits tout pareils.

Topffer.


LES CIMETIÈRES DE CAMPAGNE


Les Anciens n’ont point eu de lieux de sépulture plus agréables que nos cimetières de campagne : des prairies, des champs, des eaux, des bois, une riante perspective, marient leurs simples images avec les tombeaux des laboureurs. On aime à voir le gros if qui ne végète plus que par son écorce, les pommiers du presbytère, le haut gazon, les peupliers, l’ornement des morts, et les buis, et les petites croix de consolation et de grâce. Au milieu des paisibles monuments, le temple villageois élève sa tour surmontée de l’emblème rustique de la vigilance. On n’entend dans ces lieux que le chant du rouge-gorge, et le bruit des brebis qui broutent l’herbe de la tombe de leur ancien pasteur.

Les sentiers qui traversent l’enclos bénit aboutissent à l’église ou à la maison du curé : ils sont tracés par le pauvre et le pèlerin, qui vont prier le Dieu des miracles ou demander le pain de l’aumône à l’homme de l’Évangile : l’indifférent ou le riche ne passe point sur ces tombeaux.

On y lit pour toute épitaphe : Guillaume ou Paul, né en telle année, mort en telle autre. Sur quelques-uns il n’y a pas même de nom. Le laboureur chrétien repose oublié dans la mort, comme ces végétaux utiles au milieu desquels il a vécu ; la nature ne grave pas le nom des chênes sur leurs troncs abattus dans les forêts.