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MORCEAUX CHOISIS

J’en puis jouir demain, et quelques jours encore ;
DisaiJe puis enfin compter l’aurore
DisaiPlus d’une fois sur vos tombeaux. »
Le vieillard eut raison : l’un des trois jouvenceaux
Se noya dès le port, allant à l’Amérique ;
L’autre, afin de monter aux grandes dignités,
Dans les emplois de Mars servant la république,
Par un coup imprévu vit ses jours emportés ;
DisaiLe troisième tomba d’un arbre
DisaiQue lui-même il voulut enter ;
Et, pleurés du vieillard, il grava sur leur marbre
DisaiCe que je viens de raconter.

La Fontaine.


L’AÏEULE


À la mère de ma mère.

Elle est vieille, voûtée, et ses cheveux sont blancs…
La vie a sur son front gravé plus d’une ride ;
Elle est toujours active et toujours intrépide,
Mais son pas est moins sûr, ses gestes sont tremblants.

La voix se casse un peu ; mais elle est douce encore
Et révèle à la fois sa bonté, sa raison.
Nul, comme elle, ne sait gouverner la maison.
Elle a plus de deux fois mon âge… et je l’adore.

Quand dans le grand fauteuil, au coin du feu, chez nous,
À tricoter son bas je la vois occupée,
Ou bien consolidant quelque bras de poupée,
Souvent je suis tenté de me mettre à genoux.

C’est qu’en effet Elle est la sainte, Elle est l’aïeule ;
C’est elle le bon sens, la vertu, le devoir…
Ah ! comme les enfants, sûrs de son bon vouloir,
Courent l’accaparer dès qu’ils la savent seule.