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MANUEL DE LA PAROLE

un travail d’une délicatesse merveilleuse. D’autres fois, changeant d’idée, il se détourne, puis, changeant d’idée encore, il revient ; c’est une S !… À cette vue, un trait de lumière m’éblouit.

Je dépose l’étonnant animal sur la première page de mon cahier, la tarière bien pourvue d’encre, puis, armé d’un brin de paille pour diriger ses travaux et barrer les passages, je le force à se promener de telle façon qu’il écrive lui-même mon nom ! Il fallut deux heures : mais quel chef-d’œuvre !

La plus noble conquête que l’homme ait jamais faite, dit Buffon, c’est… c’est bien certainement le hanneton !

Rodolphe Topffer.


LE VOLEUR ET LE SAVANT


L’abbé de Molières était un homme simple et pauvre ; il n’avait point de valet, et travaillait dans son lit, faute de bois, sa culotte sur sa tête par-dessus son bonnet, les deux côtés pendant à droite et à gauche. Un matin, il entend frapper à sa porte : « Qui va là ? — Ouvrez… » Il tire un cordon et la porte s’ouvre.

L’abbé de Molières ne regardant point : « Qui êtes-vous ? — Donnez-moi de l’argent. — De l’argent ? — Oui, de l’argent. — Ah ! j’entends, vous êtes un voleur. — Voleur ou non, il me faut de l’argent. — Vraiment oui, il vous en faut ? hé bien ! cherchez là-dedans… » Il tend le cou, et présente un des côtés de la culotte ; le voleur fouille ; « Hé bien ! il n’y a point d’argent. — Vraiment non, mais il y a ma clef. — Hé bien ! cette clef… — Cette clef, prenez-la. — Je la tiens. — Allez-vous-en à ce secrétaire ; ouvrez… »

Le voleur met la clef à un autre tiroir. « Laissez donc, ne dérangez pas ! ce sont mes papiers : finirez-vous ? ce sont mes papiers ; à l’autre tiroir, vous trouverez de l’argent. — Le voilà. — Hé bien ! prenez. Fermez donc le tiroir… » Le voleur