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MANUEL DE LA PAROLE

« As-tu vu nos enfants ? lui dit Brisquette.

— Nos enfants ? dit Brisquet. Nos enfants ? mon Dieu ! sont-ils sortis ?

— Je les ai envoyés à ta rencontre jusqu’à la butte et à l’étang ; mais tu as pris par un autre chemin. »

Brisquet ne posa pas sa bonne hache. Il se mit à courir du côté de la butte.

« Si tu menais la Bichonne ? » lui cria Brisquette.

La Bichonne était déjà bien loin.

Elle était si loin, que Brisquet la perdit bientôt de vue. Et il avait beau crier : « Biscotin ! Biscotine ! » on ne lui répondait pas.

Alors il se prit à pleurer, parce qu’il s’imagina que ses enfants étaient perdus.

Après avoir couru longtemps, longtemps, il lui sembla reconnaître la voix de la Bichonne, il marcha droit dans le fourré, à l’endroit où il l’avait entendue, et il y entra, sa bonne hache levée. La Bichonne était arrivée là au moment où Biscotin et Biscotine allaient être dévorés par un gros loup. Elle s’était jetée devant, en aboyant, pour que ses abois avertissent Brisquet. Brisquet, d’un coup de sa bonne hache, renversa le loup roide mort, mais il était trop tard pour la Bichonne. Elle ne vivait déjà plus.

Brisquet, Biscotin et Biscotine rejoignirent Brisquette. C’était une grande joie, et cependant tout le monde pleura. Il n’y avait pas un regard qui ne cherchât la Bichonne.

Brisquet enterra la Bichonne au fond de son petit courtil, sous une grosse pierre sur laquelle le maître d’école écrivit en latin :

C’est ici qu’est la Bichonne,
Le pauvre chien de Brisquet.

Et c’est depuis ce temps-là qu’on dit en commun proverbe : Malheureux comme le chien à Brisquet, qui n’allit qu’une fois au bois, et que le loup mangit.

C. Nodier.