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MORCEAUX CHOISIS

Âmes des chevaliers, revenez-vous encor ?
Est-ce vous qui parlez avec la voix du cor ?
Roncevaux ! Roncevaux ! dans la sombre vallée,
L’ombre du grand Roland n’est donc pas consolée ?

II

Tous les preux étaient morts, mais aucun n’avait fui ;
Il reste seul debout, Olivier près de lui ;
L’Afrique sur les monts l’entoure et tremble encore :
« Roland, tu vas mourir : rends-toi, criait le More ;

« Tous tes pairs sont couchés dans les eaux des torrents. »
Il rugit comme un tigre, et dit : « Si je me rends,
Africain, ce sera lorsque les Pyrénées
Sur l’onde avec leurs corps rouleront entraînées. »

— « Rends-toi donc, répond-il, ou meurs, car les voilà. »
Et du plus haut du mont un grand rocher roula ;
Il bondit, il roula jusqu’au fond de l’abîme,
Et de ses pins, dans l’onde, il vint briser la cime.

« Merci ! cria Roland, tu m’as fait un chemin, »
Et jusqu’au pied des monts le roulant d’une main,
Sur le roc affermi, comme un géant, s’élance ;
Et, prête à fuir, l’armée à ce seul pas balance !

III

Tranquilles, cependant, Charlemagne et ses preux
Descendaient la montagne et se parlaient entre eux.
À l’horizon déjà, par leurs eaux signalées,
De Luz et d’Argelès se montraient les vallées.

Roland gardait les monts : tous passaient sans effroi.
Assis nonchalamment sur un noir palefroi
Qui marchait revêtu de housses violettes,
Turpin disait, tenant les saintes amulettes :