Page:Rivard - Manuel de la parole, traité de prononciation, 1901.djvu/275

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
265
MORCEAUX CHOISIS

Et qui, désespérant de les plus éviter,
Si tout n’est renversé, ne saurait subsister.
Tu te tais maintenant et gardes le silence,
Plus par confusion que par obéissance.
Quel était ton dessein, et que prétendais-tu,
Après m’avoir au temple à tes pieds abattu ?
Affranchir ton pays d’un pouvoir monarchique ?
Si j’ai bien entendu tantôt ta politique,
Son salut désormais dépend d’un souverain,
Qui pour tout conserver tienne tout en sa main ;
Et si sa liberté te faisait entreprendre,
Tu ne m’eusses jamais empêché de la rendre ;
Tu l’aurais acceptée au nom de tout l’État,
Sans vouloir l’acquérir par un assassinat.
Quel était donc ton but ? d’y régner en ma place ?
D’un étrange malheur son destin le menace,
Si pour monter an trône et lui donner la loi
Tu ne trouves dans Rome autre obstacle que moi ;
Si jusques à ce point son sort est déplorable,
Que tu sois après moi le plus considérable,
Et que ce grand fardeau de l’empire romain
Me puisse, après ma mort, tomber mieux qu’en ta main.
Apprends à te connaître et descends en toi-même.
On t’honore dans Rome, on te courtise, on t’aime,
Chacun tremble sous toi, chacun t’offre des vœux,
Ta fortune est bien haut, tu peux ce que tu veux ;
Mais tu ferais pitié même à ceux qu’elle irrite,
Si je t’abandonnais à ton peu de mérite.
Ose me démentir, dis-moi ce que tu vaux ;
Conte-moi tes vertus, tes glorieux travaux,
Les rares qualités par où tu m’as dû plaire,
Et tout ce qui t’élève au-dessus du vulgaire.
Ma faveur fait ta gloire, et ton pouvoir en vient ;
Elle seule t’élève, et seule te soutient ;
C’est elle qu’on adore, et non pas ta personne ;
Tu n’as crédit ni rang qu’autant qu’elle t’en donne ;