Page:Rivarol - De l'universalité de la langue française.djvu/61

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sont simplement justes. Il faut donc que le Poëte Français plaise par la pensée, par une élégance continue, par des mouvemens heureux, par des alliances de mots. C’est ainsi que les Maîtres n’ont pas laissé de cacher de grandes hardiesses dans le tissu d’un style clair & sage, & c’est de l’artifice avec lequel ils ont su déguiser leur fidélité au génie de leur Langue, que résulte tout le charme de leur style. Ce qui fait croire que la Langue Française, sobre & timide, eût été peut-être la derniere des Langues, si la masse de ses grands Ecrivains ne l’eût poussée au premier rang, en forçant son naturel.

Un des plus grands problêmes qu’on puisse proposer aux hommes, est cette constance de l’ordre régulier dans notre Langue. Je conçois bien que les Grecs & même les Latins, ayant donné une famille à chaque mot & de riches modifications à leurs finales, ont pu se livrer aux plus hardies tournures pour obéir aux impressions qu’ils recevoient des objets : tandis que dans nos Langues modernes l’embarras des conjugaisons & l’attirail des articles, la présence d’un nom mal apparenté ou d’un verbe défectueux, nous fait tenir sur nos gardes, pour éviter l’obscurité. Mais pourquoi, entre les Langues