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BERTHE AUX GRANDS PIEDS

Elle avait dans le cœur un besoin de sourire.
Partout sur son passage elle voyait les gens
Détourner leur regard de ses yeux indulgents,
Et des poings se crispaient qui semblaient la maudire.

Mais voici qu’elle est presque au bout de son chemin,
Cette nuit sous la tente est enfin la dernière.
Demain elle tiendra sa fille prisonnière,
Dans ses bras, sur son cœur, sous ses lèvres… Demain !

Et, ne pouvant dormir, Blanchefleur s’est assise
À quelques pas du camp, pour rêver sans témoin…
Pleine de sa tristesse, elle regarde, au loin,
Les étoiles trembler dans la brume indécise.

Aux lisières du bois le silence frémit.
Mais on parle dans l’ombre, et Blanchefleur écoute.
Un bruit confus de gens en marche sur la route
Se rapproche. Une voix d’enfant pleure et gémit.