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LES MENDIANTS DE PARIS

— Il n’est sorti de la maison que depuis quelques minutes, répondit Léon Dubreuil.

— Mais nous sommes là, sans marcher, et l’herbe est tout humide.

— Ce brave chasseur qui craint la rosée !

— Et les perdrix que nous devons tuer en abondance !

— C’est trop matin, elles ne sont pas visibles.

— En attendant, nous ferons lever les lièvres… Venez, messieurs.

— Non, non, dit M. de Sabran. Je veux voir cette merveille qui est si farouche la veille et qui donne un rendez-vous le lendemain.

— Bah ! reprit Hector, tu appelles cela une merveille !… Ma carnassière me sangle horriblement la poitrine.

— Promenons-nous, messieurs, n’ayons pas l’air d’attendre, dit Dubreuil.

— Ah ! tu crains de la faire rougir… quand c’est pour un beau monsieur !… Allons donc !

— Non, mais Herman serait mécontent.

— Demeurons derrière les arbres, il ne nous verra pas tout de suite, reprit le jeune comte de Sabran. Là, entre ces deux branches… Je veux saisir le degré de beauté possible avec la cornette de village et le hâle du grand air… C’est une étude qui me manque.

— Ça devient bien long, messieurs, dit un des jeunes gens, allons-nous-en.

— Décidément, Herman ne vient pas… partons !

— Si ! si ! dit M. de Sabran à son poste d’observation, la porte s’ouvre. J’aperçois le bonnet… le tablier… Saisissons le degré de beauté possible…

Il s’interrompit soudain en s’écriant :

— Ah ! quelle horreur !

— Quelle horreur ! répétèrent les autres jeunes gens en regardant à leur tour. Qu’est-ce que cela, mon Dieu !

Et tous éclatèrent d’un rire retentissant.

Un petit être, moitié femme, moitié monstre, venait de franchir le seuil du cabaret.

Son bonnet, près de tomber, découvrait toute sa figure terreuse, surmontée d’un front déprimé, allongée par le bas en museau ; autour flottaient des cheveux roux, poudreux, incultes depuis leur naissance. Elle venait en clopinant sur ses jambes nouées comme celles d’un enfant, tandis que ses deux mains noires s’occupaient à faire tour-