Page:Robert - Les Mendiants de Paris, 1872.djvu/252

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« — Bon jeune homme, vous feriez bien quelque chose pour moi ?

« — Tout, madame… tout ce que vous voudrez… et encore davantage !

« — Eh bien, écoutez-moi… Il faut que je me presse, car on pourrait remarquer que je reste bien longtemps avec vous… Dans vos courses continuelles, il vous est bien égal d’aller d’un côté ou de l’autre… allez jusqu’à Paris… Voulez-vous ?

« — J’irais au bout du monde pour vous.

« — Une fois arrivé là, cherchez la demeure du comte de Rocheboise : un homme riche, titré. Ce n’est pas difficile à trouver.

« — Je m’en charge.

« — Alors, pénétrez chez lui sous un prétexte quelconque ; tâchez de voir son fils, le jeune Herman de Rocheboise. Il a justement votre âge. Vous le regarderez, vous l’écouterez parler, vous graverez bien dans votre mémoire ses traits, ses paroles, ses moindres mouvements, quels qu’ils soient. Et puis vous me rapporterez tout cela.

« — Je le ferai, Dieu m’en est témoin.

« — Je vous donne pour ce voyage deux mois.

« — Avant cela, je serai de retour.

« — Ici.

« — Ici… près de vous, sainte du ciel !

« — Adieu.

« Je lui jetai dans cet adieu toute mon âme, et je rentrai précipitamment.

« Depuis ce jour, mon sort fut bien changé… J’allais connaître mon fils… de loin… mais dans l’ignorance où j’avais vécu de tout ce qui le touchait, dans cette séparation mortelle, le peu que je pourrais apprendre de mon Herman aurait bien du prix. Je renfermai en moi toutes mes espérances ; car l’esprit du cloître, qui condamne tout amour mondain, m’aurait interdit le bonheur d’entendre, parler de mon fils.

« Le brave colporteur fut fidèle à sa promesse ; six semaines après il était de retour.

« Cette fois, la Providence me servit à souhait. J’avais souvent parlé depuis quelques jours des fermoirs de nos livres d’heures qu’il serait utile de renouveler, et quand la tourière vint annoncer le colporteur, on me chargea d’aller terminer avec lui cette affaire.

« Le jeune marchand me raconta son voyage.