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LES MENDIANTS DE PARIS

V

la quêteuse

Léon Dubreuil parlait à son ami des avantages de son nouveau séjour en examinant la structure de l’hôtel, aux proportions vastes et riches, et ses agréables dépendances.

Cette belle habitation, ou la famille de Rocheboise venait de s’établir, était située dans la rue Saint-Dominique, entre une cour d’honneur et un jardin dont les grands arbres, titres de noblesse de la demeure, attestaient l’ancienneté d’origine. Au premier se trouvaient l’appartement de M. Rocheboise père, deux salons de réception et la salle à manger ; au second l’appartement particulier des nouveaux mariés, accompagné d’une bibliothèque et d’un oratoire.

Un pavillon très-élégant s’élevait à l’extrémité du jardin, près d’une porte dérobée qui donnait dans la rue Las-Cases.

— Quel beau rêve tu as fait là, mon cher, disait Léon à son ami. Passer en un jour… en moins de temps qu’il ne faut, pour y songer… de la situation la plus précaire à une existence de prince… Et aussi stable qu’elle est brillante.

— Le miracle s’est accompli avec mon mariage.

— En vérité, une femme jeune, riche et charmante, semble posséder la baguette d’une fée pour élever un édifice de bonheur autour de celui qu’elle aime… Et ce qu’il y a d’admirable, c’est qu’elle n’aurait plus rien de ce pouvoir pour détruire et renverser le bien qu’elle a fait.

— Ce changement de sort a été si prompt, que je le contemple sans savoir encore en jouir.

— Tu l’apprendras bien vite.

— C’est probable. Je suis attaché au monde par les goûts, les habitudes de jeunesse.

— Par les succès que tu y recueilles.

— Que veux-tu… La vie de famille n’a jamais existé pour moi : je n’ai pas connu ma mère ; mon père, toujours emporté par le tourbillon des affaires, me laissait loin de lui ; j’avais besoin, étant jeté dans une sphère étrangère, de la trouver élevée, et brillante… J’aime la haute société, où le bruit, le mouvement tournent toujours dans un cer-