Page:Robert - Les Mendiants de Paris, 1872.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
79
LES MENDIANTS DE PARIS

première figure attrayante qui s’était offerte a ses regards, hâtons-nous de dire qu’il n’attachait dans sa pensée aucune importance à ce sentiment. D’une faiblesse et d’une légèreté de caractère extrêmes, il se laissait entraîner vers ce qui flattait ses regards et ses sens, sans donner à cette expression un sens direct, sans en faire découler aucun projet, ni surtout prévoir les dangers qu’elle pouvait entraîner.

Son cœur n’avait certainement aucune part dans cette fantaisie ; mais ayant semé sa vie des épisodes de la galanterie, ayant toujours été plus ou moins occupé d’un caprice amoureux, il continuait à cultiver, cette branche des plaisirs du monde.

Il y avait de plus, dans la petite figure dont il était en ce moment épris, quelque chose d’étrange et d’énigmatique qui captivait tout à fait son imagination, et une beauté positive et provocante, qui eût été capable de troubler une raison mieux affermie que la sienne.

Il attendait donc le moment de ce rendez-vous avec ce mélange d’impatience, d’agréables prestiges et d’arrière-goût amer qui accompagne l’amour illicite et vulgaire chez les hommes les moins scrupuleux.

À huit heures précises, il entendit sonner à la porte du jardin. En même temps, il aperçut à travers la profondeur des allées la porte du pavillon qui s’ouvrait et les jalousies qui s’imprimait un léger mouvement.

Herman se hâta de descendre. Il avait à traverser toute la longueur du jardin, où s’élevait, au delà du parterre, un quinconce de hauts marronniers.

Lorsqu’il se trouva sous cet ombrage épais et désert, l’âge de mademoiselle Hélène, pas encore dix-huit ans, à ce qu’elle lui avait dit, se présenta à sa pensée. Cette jolie date, qui aurait dû faire sourire son imagination, la voila au contraire d’un sombre nuage… D’amers souvenirs s’y rattachaient… Il envisagea soudain toute la puissance fatale que peut avoir la séduction quand elle s’attache à une créature fragile, et au commencement de la vie, quand elle vient perdre l’existence dans toute sa durée, si elle ne la brise en un jour !… Et sous l’influence de cette pensée, Herman marchait d’un pas bien plus lent.

Mais les arbres dépassés, il découvrit le pavillon derrière son frontispice de feuillage.

Le bas de ce petit bâtiment servait de serre chaude ;