Page:Robert - Les Mendiants de la mort, 1872.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
96
les mendiants de la mort

ce bel amas de dentelles, de cachemires, de tissus brodés, de bracelets, de châtelaines, et chacune attend, le cœur palpitant, de savoir ce que le sort lui donnera.

L’orchestre continue à jouer dans le salon ; et, à chaque lot qui sera tiré, on doit entendre une fanfare et faire couler le vin mousseux en l’honneur de celle qui sera favorisée.

Mais à cet instant un mouvement extraordinaire se fait entendre dans l’antichambre, et la porte s’ouvre brusquement.

On voit entrer un personnage vêtu de noir, à la tenue assez magistrale, sans qu’aucun signe particulier indique ses attributions, et qui est suivi de plusieurs hommes également inconnus.

Tout le monde reste stupéfait.

Robinette se lève, et darde ses grands yeux étonnés sur ces messieurs, qu’elle n’a nullement invités.

Cependant, comme celui qui se présente le premier a tout l’aspect d’un agent de l’autorité, elle croit s’expliquer le but de sa visite, et pense pouvoir facilement le dominer.

— Qui êtes-vous, monsieur, et que demandez-vous ? dit-elle impérieusement.

— Vous le savez bien, madame, répondit-il.

— Je ne sais rien du tout, mais je devine, reprend la jeune fille.

Et gesticulant avec son verre de champagne qui est dans sa main, elle continue :

— Vous venez faire ici de la morale publique… Mais savez-vous, monsieur, chez qui vous êtes… Je trouve bien surprenant qu’on vienne dans un bal du grand monde comme le mien inspecter sans doute les façons des danseurs… ni plus ni moins que chez Mabille ou à la Chaumière… Apprenez, monsieur, que le bon ton et les manières distinguées veillent mieux à l’ordre public que votre habit noir ne peut le faire.

— Excusez, madame, je ne venais point observer vos contredanses plus ou moins enlevées… j’ignorais même qu’il y eût bal ici… je venais…

— Ah ! j’y suis… dénicher quelques joueurs de lansquenet, voir si l’or ne roulait pas un peu sur le tapis… Eh bien ! passez dans le salon si vous voulez en avoir le cœur clair… vous trouverez toutes les tables de jeu fermées, et pas plus de cartes que sur la main ; allez !