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les mendiants de la mort

cinquante francs ; pourquoi ne me les a-t-elle pas donnés ! alors j’ai vu briller à son cou cette chaîne d’or.

Le blessé n’acheva pas, mais une rage avide perça sur son visage ; son regard ardent, sa main tendue et crispée s’élevaient vers Valentine.

Herman pressa en frémissant la jeune femme évanouie dans ses bras.

Puis il tressaillit, se frappa le front et s’écria éperdu :

— Mais mon père ! mon père !

— C’est lui, reprend le mendiant avec son rire insultant, c’est lui que vous venez de signaler aux soldats du poste… un homme seul en redingote brune.

— Oh ! c’est horrible !

— Si vous avez du cœur, courez le délivrer.

Mais en même temps le regard du mendiant, allumé d’une convoitise hideuse, s’est reporté sur Valentine.

Herman l’observe.

— Abandonner Valentine ! ici ! en ce moment ! s’écrie-t-il, palpitant de désespoir.

Il voyait cette femme… cette femme adorée, évanouie, sans défense, livrée à cet être hideux, sanglant, demi-cadavre, qui pourrait encore se traîner jusqu’à ses pieds, porter sur elle ses mains de malfaiteur, et lui arracher cette chaîne qui enflammait sa cupidité, même en rendant le dernier soupir.

— Du bruit… au fond de la rue… dit le blessé en écoutant.

— Oui, dit Herman terrifié.

— La garde vient… et votre père est ici près, reprend le mendiant d’un air de défi insultant.

Herman fait un mouvement pour sortir… mais il regarde Valentine, frissonne, et s’arrête.

— Les pas approchent, ajoute le malfaiteur. Écoutez !

Herman avait toujours le regard fixé sur Valentine, pâle, inanimée.

— Non ! non ! je ne te quitte pas, lui dit-il dans une exaspération insensée.

Puis il s’écrie, en tombant à genoux :

— Ah ! que Dieu me pardonne !

On entend sous la fenêtre un tumulte confus, un bruit de crosses de fusils tombant sur le pavé.

Au même instant, la garde envahit le pavillon ; une