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les mendiants de la mort

— Il se peut que j’y compte déjà… N’oublie pas ce que tu viens de me dire, Robinette, à la vie, à la mort.

— Tu me fais peur.

— Non… ne crains rien… mais souviens-toi… Adieu…

— Adieu !

La jeune fille et Pasqual sortirent des deux parties du parloir.

Herman, ne pouvant s’arrêter dans la cour, n’avait entendu que peu de mots de leur entretien, mais tout ce qu’il en fallait cependant pour éprouver un pénible mouvement de jalousie, non au sujet du sentiment que la jolie Bohémienne pouvait ressentir pour Pasqual, il y avait longtemps que le faible amour autrefois éprouvé pour elle était évanoui dans-son cœur ; le malheur, passant sur cette fantaisie de jeunesse, en avait d’ailleurs effacé jusqu’à la dernière trace ; mais il enviait à Pasqual ce souvenir qui lui était donné, cette démarche qu’on faisait pour venir le voir ; ces présents qu’on lui apportait dans sa prison, tandis qu’il était, lui, si seul et si délaissé.

Mais là, il s’arrêta au premier pas, ne reconnaissant pas sa demeure.

Depuis quelques heures seulement qu’il l’avait quittée, tout y était changé.

Les murailles nues s’étaient couvertes de tentures, le carrelage se cachait sous un épais tapis, le froid et la tristesse de la pierre avaient partout disparu ; le lit de fer du prisonnier était remplacé par une moelleuse couchette, garnie de rideaux de soie ; un feu si clair pétillait dans l’âtre, que ses rayons, répandus dans toute la cellule, en chassaient la morne obscurité d’un jour d’hiver.

D’abord Herman crut s’être trompé de chambre dans ce long couloir sur lequel s’ouvraient toutes les portes numérotées. Mais à l’instant il vit sur la cheminée la pendule de bronze antique qui était autrefois dans sa chambre à coucher, à l’hôtel Rocheboise. C’était un signe certain que des soins amis avaient préparé pour lui ce bien-être, lui ménageant encore la douceur de retrouver un objet qui lui aurait autrefois appartenu. Il regardait avec des yeux humides de larmes cette aiguille qui, sur ce cadran bien connu, avait marqué les heures les plus douces de sa vie.

Herman comprit que ce changement n’avait pu être accompli que par l’entremise d’un des surveillants de la prison.